Un 300mm f/4 construit de toutes pièces (c’est le cas de le dire)! |
Motivation
Après une longue absence sans publier d’articles (essentiellement par manque d’envie, d’un désintérêt pour la photo, mais aussi par flemme…tout ceci associé aux aléas de la vie) je m’en vais aujourd’hui vous décrire ce dont j’avais souvent rêvé et que j’ai enfin pu réaliser : construire mon propre objectif.
Fasciné par la science de l’optique depuis toujours et bien sûr par les objectifs photographiques (bien plus que les appareils en fait), ayant acheté, revendu, gardé, jeté, testé, démantelé des centaines d’optiques tout au long de ma vie, j’ai toujours été fasciné par cette science et les gens qui nous ont apporté leur intuition, leur savoir et savoir-faire pour créer les instruments ou procédés qui nous permettent d’appréhender le réel, l’objet et la lumière.
Alors au bout de tant d’années je me suis dit « pourquoi je n’essaierais pas? ». Je n’ai aucune connaissance scientifique et encore moins mathématique en optique. Pour concevoir et réaliser ce qui suit, j’ai dû y aller à tâtons, en expérimentant, par la logique empirique et le bricolage à 3 francs 6 sous. Mais je suis fier du résultat!
Réalisation
J’ai en stock des flopées de bagues, barillets, blocs optiques, fûts et lentilles en tous genre, récupérés ça et là, et surtout des lentilles de grand format de plus de 5 ou 6 cm, concaves et convexes, récupérées surtout lors d’achats de « job lot », c’est à dire de lots de téléobjectifs (400mm en général) HS, de marques bidons ou présentant des petits défauts. Ce qui m’intéresse surtout c’est évidemment les convexes, bi-convexes et les concaves qu’on trouve à l’avant de l’objectif, car elles sont de grand diamètre. J’en ai démonté donc quelques uns, mais j’avais aussi en stock un bloc optique qui provenait soit d’un vidéoprojecteur, d’un épiscope ou d’un videoprojecteur, d’une focale de 340mm f/5.4 de marque Reichmann non traité MC. Je l’avais déjà utilisé tel quel sur ma chambre 13×18 et j’en parle dans cet article (ne faites pas attention à l’expression féroce de mon ex-femme, elle n’aime pas poser et ça se voit…) : https://www.hocus-focus.fr/2019/09/26/portrait-collodion-avec-un-achromat-300mm-diy/
Il s’avère donc que ce n’est pas un achromat comme je le supposais (n’ayant pas pu le démonter auparavant car tout est serti et moulé), mais comme je suis curieux, j’ai récemment démonté ce bloc et tant pis pour le bloc, je me suis retrouvé avec 3 lentilles, donc un apochromat, c’est une bonne nouvelle! Et oh miracle, entretemps, j’avais acheté le même sur Leboncoin, de marque Reichman un 340mm f/5.4 de même formule optique que celui que j’avais ouvert, du coup, connaissant la formule optique de ce type de bloc, j’ai pu l’utiliser sur mon objectif. Je n’ai pas pu utiliser les lentilles de celui que j’avais démonté car j’en avais pété une…
Voulant construire un objectif dont le rendu se rapprocherait du Petzval avec une grande ouverture, j’ai commencé ma longue période de test et d’expérimentation pour trouver la bonne formule optique arrière qui pourrait s’accorder avec le bloc avant. Et je peux vous dire que c’est pas une mince affaire, sans banc de mesure, sans atelier, tout à la main! Le bloc avant dans la main gauche et la combinaison arrière dans la main droite à ajuster la distance focale, changer l’ordre des lentilles, en trouver d’autres..etc, c’était ardu. Je me suis quand même basé sur des formules optiques petzval, celle d’origine et celle de Dallmeyer, c’est déjà du boulot! Le plus difficile a été aussi de trouver dans quoi mettre ces lentilles, j’ai trouvé deux fûts qui allaient très bien, et j’ai assemblé le tout, voici le résultat :
L’objectif fait 140mm de longueur (sans le paresoleil), la pupille d’entrée fait entre 50 et 60mm, et le diamètre des lentilles arrière est de 65mm.
Voici un comparatif rapide avec un Petzval qui sort des usines Fallowfield London (Usine pour Dallmeyer), il tient la route mon 300mm!
Test et résultats
Après avoir trouvé les lentilles avec les bonnes concavités/convexités pour le groupe arrière, j’ai testé ce groupe selon 4 configurations et mis en place le studio, les éclairages et la chambre pour réaliser 4 prises de vues, avec à chaque nouvelle config, une modification du groupe arrière : un spot derrière et un devant en lumière bleue-violette (voir https://www.hocus-focus.fr/2022/03/17/nouveaux-eclairages-objectif-et-nouvelle-chimie/). Chassis 18×24 chargé avec du papier photo TURA RC et développé dans du révélateur écologique Bellini.
Comme on peut le voir, c’est la config n°3 qui a attiré mon attention (piqué au centre, qualité du flou, aberrations optiques autour du centre de type petzval) et même si les autres configs donnent des résultats différents et pas si laids que ça, je préfère la config 3.
Pour information et après avoir calculé d’une manière grossière et empirique la focale et l’ouverture, il s’avère que c’est un 300mm à f/4 (et non plus un 340mm comme initialement), ce qui pour du 18×24 est trop typé grand-angle (équivalent 40mm en 35mm), pas terrible pour du portrait….mais pour du plan moyen ou d’ensemble ça passe.
Attention, je sais pertinemment que cet objectif n’est pas un Petzval d’abord parce qu’il possède 5 lentilles, et que les lentilles arrière ne sont pas exactement conformes à la structure du Petzval, mais je trouve qu’il s’en approche par le rendu. D’autre part, même si 300mm n’est pas une focale naturelle pour le portrait en 18×24 mais qu’on en est proche, je trouve le piqué intéressant même s’il n’est pas phénoménal comme sur un Dallmeyer ou un Ross!!! Content malgré tout du résultat.
Voici quelques photos réalisées avec cet objectif, sous différents éclairages, mais toutes ont été prises sur papier photo 18×24. Dans un prochain article je le comparerai à 7 autres objectifs de chambre! Un big comparatif en perspective.
Disclaimer : les conseils de prise de vues et les expérimentations dont je parle sur ce site n’engagent que moi. Ils me sont d’abord d’une grande utilité à titre personnel, et j’espère en faire profiter un plus grand nombre en les partageant. rien n’est gravé dans le marbre sauf la physique! Je partage juste mon expérience personnelle, si elle peut servir au plus grand nombre, j’en serai heureux! |
Un projet étonnant et aux résultats convaincants ! Dommage que ton blog n’ait pas davantage de visibilité auprès des modèles ou amateurs de poses, lassés des rendus d’aujourd’hui : tu aurais de quoi faire tourner un studio autour d’une nouvelle-vintage donne sur la pratique du portrait 🙂
Je suis toujours autant surpris de redécouvrir mon portrait au collodion, que tu as réalisé en 2020 😉
Ton portrait, assez dark tant au niveau des tonalités qu’au niveau de la pose fait partie de mes premières plaques. Je m’y remettrais mais pour l’instant j’ai un stock faramineux de vieux papier photo qu’il faut que j’utilise en négatif papier, et j’essaierai bientôt une nouvelle technique : l’inversion chimique du négatif papier pour avoir un positif direct juste avec de l’acide citrique et un bain de blanchiment!
CC, idem je n’y connais rien mais bravo ! La passion nous guide vers des exploits que l’on ne soupçonne pas.
Merci. La passion, étymologiquement, est une douleur et il est parfois douloureux d’en être addict à ce point quelquefois, mais ça comble parfaitement ma vie même si je dois relâcher un peu en faisant d’autres choses.
Bravo !!
Je n’y connais rien mais j’imagine le degré de technique et de passion nécessaire, et j’apprécie le rendu.
Merci. Le degré de technique pas tant que ça, c’est un puits sans fonds. Pour la passion, oui, c’est ce qui m’anime. Oui le rendu est original d’abord à cause du format de la « pellicule » (18x24cm c’est des milliers de fois plus qu’un capteur de smartphone) mais aussi grâce au papier photo, et à la manière qu’a l’objectif de capter les rayons lumineux.