Il existe un lien étroit entre la photo et l’imagerie de synthèse
En tant que photographe, j’ai toujours été fasciné, du moins intéressé par les technologies existantes en « image de synthèse » comme il était coutume de dire à l’époque. Ce qui me fascine, c’est pouvoir modéliser des objets pour les placer dans un système de coordonnées XYZ et pouvoir y placer à sa guise une ou plusieurs sources de lumière, tel le photographe dans son studio, et ceci, sans aucune contrainte.
C’est donc dans les années 1990 que j’ai commencé à tâter de la 3D sur Atari Falcon 030 avec un logiciel que les initiés connaissent : POV (persistance of vision), finalement trop ardu pour moi…
J’ai quelques années après acheté un mac FX sur lequel j’ai pu vraiment commencer à créer et composer sous interface graphique (contrairement à POV). Parmi les logiciels que j’ai utilisés à l’époque, je pourrai citer « StrataVision Pro » et « Ray Dream Designer », les deux logiciels que j’ai appris à utiliser consciencieusement.
Plus tard, en 2000, j’ai pu effectuer un stage intensif de 3 mois sur Silicon Graphics et le logiciel Softimage, qui ne m’a servi à rien, sauf à approfondir ma technique et appréhender un outil professionnel surtout utilisé dans le cinéma.
Fort de mon petit background d’astronome « très amateur » et de cette expérience en 3D et en PAO (Photoshop que j’utilise depuis la version 2.5, Illustrator et Quark Xpress), pendant 1 an de 1999 à 2000 et sous le statut d’infographiste indépendant, je deviens illustrateur pour la société Hachette Fascicules.
C’est grâce à Pierre Carril, travaillant en Freelance depuis 25 ans et spécialisé en astronomie et en astronautique depuis 20 ans, et aujourd’hui illustrateur scientifique pour l’ESA et le CNES (entre autres) que cette collaboration a pu avoir lieu afin de travailler en binôme sur ce projet.
La nouvelle collection hebdomadaire de fascicules « Astronomie pratique » est alors prévue sur 100 numéros.
Chaque semaine, nous recevions des croquis, et quelquefois juste un texte succinct et le synopsis des illustrations à effectuer.
A l’époque internet n’était pas aussi fourni et la recherche de sources et iconographique s’avéraient quelquefois ardue. Elle se faisait surtout dans les livres et à la bibliothèque. Il arrivait qu’une recherche iconographique prenait plus de temps que la réalisation elle-même : d’abord chercher puis comprendre de quoi on parle, et qu’est ce qu’on doit montrer?
Malgré tout, après une bonne assimilation des croquis fournis par l’équipe éditoriale, et ce, grâce également à des acquis en sciences de notre part (astronomie amateur pour ma part), nous arrivions à sortir dans les temps impartis, un travail de qualité. Instruments, vues d’artistes, chartes, constellations, schémas explicatifs, etc..
Pierre Carril était infographiste ET illustrateur, moi je ne savais pas trop dessiner. J’ai donc majoritairement utilisé les outils informatiques pour créer toutes mes infographies et ceci sur un Apple macintosh PowerPC 5400 (Power Mac 5400/275 : PPC 603e à 275 MHz, DD=2 Go, RAM max=256 Mo).
On imagine pas ou plus ce que cela représente en terme de calcul. Cet ordinateur pourtant puissant pour l’époque (ahh les PowerPC d’Apple!), mettait un temps fou pour le moindre calcul et le rafraichissement de l’écran (la misère des cartes graphiques de l’époque). Les temps de rendu étaient à l’époque faramineux : entre quelques heures jusqu’à une nuit entière (quand ça plantait pas)! Il fallait être patient et surtout être certain de son coup donc méticuleux : les deadlines étaient assez courtes pour réaliser les images, alors perdre des nuits entières à refaire les rendus, que nenni!
Dans le domaine de l’édition grand-public, un schéma ou une vue d’artiste doivent être explicites et se suffirent à eux-même. Un schéma est un condensé qui doit instantanément parler au lecteur sans être obligé de lire l’article complet (c’est préférable bien sûr). Il doit émaner de l’infographie une compréhension et une adéquation avec la ligne éditoriale. J’ai pu donc amener mon expérience et mon « oeil » de photographe pour illustrer ces fascicules. En ce sens, j’espère avoir pu fournir un travail qui a permis au plus grand nombre de lecteurs de découvrir ou pour d’autres de comprendre plus profondément l’astronomie. Si le but a été atteint alors j’en suis fier.
Cette collection a été un des plus grands succès publics d’Hachette. La qualité des illustrations et du contenu ont contribué à son succès important, et je remercie encore Pierre Carril de m’avoir donné cette opportunité et d’en avoir fait une parenthèse très enrichissante.
Voici un florilège d’illustrations que j’ai pu réaliser (la qualité est plus ou moins bonne car la plupart sont des scans des fascicules) :
Étiquettes : 3d, astronomie, fascicules, Guillaume Foucart, hachette, illustration, Pierre carril
Rétrospective très en phase, je pense, avec l’expérience de ceux qui se sont intéressés à l’image de synthèse et à la 3D, et à son essor avec les progrès rapides de l’informatique.
J’ai eu moi aussi la chance de toucher la discipline du doigt (de l’effleurer, disons), même si je n’ai jamais mis ma pratique en application dans un domaine d’édition, de publication ou de diffusion (un tout petit peu tout de même en matière de production audiovisuelle, à l’université).
J’ai fait mes premières armes avec Real 3D, un logiciel qui tournait sur Amiga 500… doté de 512Ko de mémoire vive, je ne disposais pas même de l’extension 1Mo… À l’époque, toutes les données étaient chargées et enregistrées sur disquettes double densité de 1,44Mo (système + logiciels + data…), et les luxueux & onéreux disques durs externes (dont je n’ai jamais disposé non plus) affichaient fièrement des capacités autour de 20Mo environ !… Aujourd’hui, on y placerait à peine 1 seule photo JPEG qu’enregistre un APN numérique en vogue…
Et que diraient les générations d’aujourd’hui en sachant que cela tournait sous un processeur Motorola cadencé aux environs, je ne sais plus exactement, de 6 ou 7Mhz ?… Elles penseraient probablement qu’il était impensable de pratiquer la 3D avec de tels systèmes.
Et pourtant, Real 3D, dans la version que j’employais, se contentait de ce minimalisme-là.
Bien sûr, on était bien loin des rendus d’aujourd’hui, et mon système ne disposait pas non plus des performances pour créer des animations. Mais je me souviens notamment avoir modélisé mon domicile de l’époque en 3D, vue extérieure (ie, domicile de mes parents), et avoir pu déplacer la caméra tout autour, pour réaliser des captures d’images sous différents angles.
À ma mère qui s’interrogeait sur l’utilité réelle de l’informatique au début des années 90, mon père avait répondu: « voilà, l’informatique, ça sert à ça! »
À partir de 1993, en Maîtrise de sciences et techniques (typologie de diplôme ayant disparu aujourd’hui), j’ai eu l’occasion d’approfondir (à peine) mon approche de la 3D, avec de la programmation en C sur des stations VAX pour la modélisation de formes de base (ces travaux étant surtout destinés à nous faire comprendre comment fonctionnait la 3D), pas mal de cours théoriques, et quelques séances de TP sur des stations équipées de logiciels dont j’ai oublié les noms (Softimage, peut-être, faisait partie du lot ?). Il s’agissait essentiellement d’une initiation, le cursus étant censé former des techniciens et des exploitants en production audiovisuelle généraliste, et non des infographistes spécialisés.
En 1996, j’ai acheté mon premier PC sous Windows, et j’ai refait quelques pas avec divers outils plus ou moins intéressants (Asymetrix 3D/FX…), mais rien de bien sérieux, même si la puissance de calcul était déjà devenue « considérable » depuis l’Amiga 500 !…
Plus tard, début des années 2000, j’ai également effleuré 3D Studio Max, un outil beaucoup plus abouti, mais par manque de temps (et aussi de puissance de configuration matérielle), je n’ai guère abordé que les bases.
Il m’a fallu attendre le début ou le milieu des années 2010 avant de m’attaquer un peu plus sérieusement à Blender (pratique à tester sur la durée, car gratuit !) puis à Cinéma 4D.
J’ai réalisé quelques modestes projets dans le cadre universitaire (mais rien qui ne rentre dans un cahier des charges bien défini, sans quoi il aurait certainement fallu externaliser), et aussi quelques essais personnels.
J’en retire l’expérience d’une insatiable curiosité, car plus je m’y aventurais, plus je découvrais que la 3D était un domaine artisanal, beaucoup plus que « scientifique » au sens académique du terme – il y a des outils et 1000 manières différentes d’arriver au résultat, il n’y a guère de « méthodes » prédéfinies, c’est à l’opérateur de les inventer.
Mais c’est aussi un domaine extrêmement chronophage, qui demande une pratique incessante ne serait-ce que pour maintenir un minimum de productivité. Il est difficile de se contenter « d’exercices », il faut avoir des projets à mener, sans quoi on perd rapidement ses acquis. Ce n’est pas comme le vélo ! 😉
J’ai décroché depuis 2020. Pas sûr que j’y revienne un jour, mais l’IA va aussi passer par là, pour apporter sa vague de démocratisation – voir ce que ça peut donner, en dépit, bien sûr, des dommages collatéraux.
Les travaux auxquels tu as collaboré sont remarquables, et cela me replonge dans les manuels scolaires ou les encyclopédies de nos années 80, dont les illustrations me fascinaient littéralement – celles-là même, ou du même style, que réalisées par tes soins. Je me souviens de mon questionnement : « comment fait-on pour parvenir à faire cela ?… »
Toi, tu l’as fait… Un sincère coup de chapeau en conséquence, et aussi pour l’ensemble de ton parcours, très riche en expériences et en compétences. Homme de l’image un jour… Homme de l’image toujours 😉