Ne pas confondre « Tirages de Cyano » et « Tirades de Cyrano » |
Nouvel article daté du 23 avril 2021 contenant des améliorations sur le type de papier, la façon d’étaler et de développer les cyanotypes. https://www.hocus-focus.fr/2021/04/23/amelioration-des-cyanotypes/ |
Depuis que je m’intéresse aux procédés photographiques anciens, aux techniques alternatives et en particulier le collodion humide (depuis peu à vrai dire), je découvre petit à petit d’autres techniques tout aussi intéressantes : la gomme bichromatée, le gumoil, le carbon transfer, l’argyrotype (Chiba system) et le cyanotype. J’ai décidé donc de m’attaquer à cette dernière car elle est simple et non dangereuse à mettre en œuvre.
Petite histoire
Le cyanotype est un procédé photographique monochrome négatif ancien, par le biais duquel on obtient un tirage photographique bleu de Prusse, bleu cyan. Cette technique a été mise au point en 1842 par le scientifique et astronome anglais John Frederick William Herschel. Les cyanotypes peuvent être réalisés sur tout support capable d’être rendu photosensibles par cette préparation. Le papier épais à dessin est le médium le plus courant, mais du tissu ou une surface non poreuse recouverte de gélatine peuvent être utilisés.
Sous l’exposition à des rayons ultraviolets, le fer des surfaces exposées est réduit, formant sur le papier une couleur bleu de Prusse à bleu cyan. L’intensité du changement de couleur dépend de la quantité de rayons UV, mais on peut obtenir des résultats satisfaisants après trois à six minutes d’exposition en plein soleil en été.
Les motifs, qui apparaissent en clair sur fond sombre, peuvent être obtenus par contact avec tous formats de négatifs, sachant qu’il n’y a évidemment aucun agrandissement dans ce cas. N’importe quel type d’objet peut aussi être utilisé pour obtenir des photogrammes.
Après l’exposition, le fer qui n’a pas réagi (jaune-vert) est éliminé par rinçage à l’eau courante. Le cyanotype obtenu est ensuite séché à l’air libre.
Voilà pour l’historique. Maintenant passons à la pratique.
Pour des cyanotypes il faut :
- du Citrate d’ammonium ferrique (vert ou brun)
- du Ferricyanure de potassium (rouge) ou bien un kit Cyanotype
- 3 ou 4 auges ou bacs 30×40
- du soleil ou une lampe faciale à bronzer aux UV
- du papier très épais au moins du 300gr
- du Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) optionnel
- 1 pinceau
- des pinces de suspension
- des transparents A4
- du thé noir (optionnel)
- 1 imprimante jet d’encre ou laser noir et blanc
- 1 sous-verre 24×30
Let’s go
J’ai acheté le citrate et le ferricyanure prêts à l’emploi sur Amazon, car ce sont des produits non dangereux. Il existe un kit pour réaliser une soixantaine de 24×30, c’est celui que j’ai utilisé.
En ce qui concerne les auges, j’en ai acheté 4 chez Leroy Merlin, elles sont dans un plastique costaud et les bords sont bien plus hauts qu’une cuvette photo, et surtout bien moins chères!
Pour le papier prenez du papier spécial pour aquarelle ou lavis en 300gr. C’est ce que j’avais acheté mais il s’avère après expérience qu’il vaut mieux du bristol en 350gr. En effet, sous l’effet de l’humidité et des étalages successifs de solution, le papier créée de petites peluches et « abrase » la surface. De ce fait, on a pas, avec ce papier des aplats parfaits et une « granularité » qu’on a pas avec le bristol. Prenez du bristol 350 gr lustré, c’est le top pour les cyanotypes. Vous pouvez vous faire la main sur du papier aquarelle.
Pour le sous-verre, prenez un 24×30 à 2 euros dans un magasin de bricolage.
Préparation
Sous une lumière faible (pas en extérieur à cause des UV!) mélanger en égales proportions du contenu A avec du contenu B du kit. Pour ceux qui ont acheté en poudre, vérifiez sur Google les proportions, ce ne sont pas les mêmes! Verser le mélange dans une tasse et avec un pinceau, étaler sur la feuille de papier, en ayant auparavant égoutté le pinceau (sinon vous aurez des zones ), puis laissez sécher dans un tiroir ou un coin sombre car le papier est sensible aux UV depuis l’étalement de la solution.
On peut accélérer le séchage avec un sèche-cheveux mais attention! Si vous avez des zones plus humides que d’autres vous obtiendrez des taches alors qu’un séchage naturel évite ce désagrément.
Entretemps il faudra imprimer une photo sur transparent pour en réaliser un négatif qui servira de contretype pour faire le positif. Pour cela importer sa photo dans Photoshop (ou autre éditeur d’image), puis la transformer en noir&blanc. Effectuer une inversion d’image pour passer en négatif puis imprimer sur un transparent. Il existe pas mal de tutoriels sur youtube.
Précision : n’achetez pas n’importe quel transparents! Je pensais faire une affaire en achetant une boite de 100 à bas prix mais je n’avais pas lu que c’était pour imprimante laser. Pour ce type d’imprimante, les 2 faces sont lisses et si vous imprimez en jet d’encre, l’encre n’accroche pas. Un conseil : prenez la marque « Micro Application » ou « Avery« . |
Une fois le papier bien sec, toujours dans la pénombre, ouvrir le sous-verre, et placer dans cet ordre : fond du sous-verre, papier enduit de solution, puis le transparent puis le verre. Serrez l’ensemble avec des petites pinces (magasin de bricolage) pour que le verre appuie fortement sur l’ensemble. Les petites pincettes en inox du sous-verres ne conviennent pas, pas assez puissantes.
Placer le tout au soleil entre 5 et 15mn en fonction de la période. En hiver il faut parfois laisser entre 15 et 30 mn, en été 5mn suffisent.
Si l’on veut utiliser une lampe à UV, d’occasion (ça se trouve à 10/15 euros), dans ce cas une exposition de 10/15mn suffit. La solution, d’origine jaune vert, bleuit vers un cyan au fur et à mesure de l’exposition.
Indice : pour savoir à quel moment arrêter l’exposition aux UV (lampe ou soleil), il faut que le bleu « solarise » c’est à dire que des reflets marron/dorés apparaissent dans le cyan : c’est le moment idéal pour développer l’image. |
Lorsqu’on sort le papier du sous-verre, après l’exposition cela donne ça, on devine bien l’image latente.
Sortir le papier, et le plonger dans le bac d’eau en remuant plusieurs minutes jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de zones jaunes/vertes et que l’ensemble soit cyan. Il peut arriver que l’exposition soit trop courte dans ce cas l’image est trop claire, ou trop longue dans ce cas l’image est trop foncée. Il faut procéder par tâtonnements, comme toujours lorsqu’on expérimente une nouvelle technique « ancienne ».
Virage au thé
On peut soit garder le tirage tel quel dans ce cas on le rince encore une bonne dizaine de minutes et on le suspend avec une pince pour l’égoutter, soit on continue pour virer l’image au thé noir.
Le cyanotype en soi est formidable mais on peut être lassé d’avoir des tirages bleus. On peut « virer » le cyanotype au thé noir afin d’avoir des tons qui se rapprochent du noir et blanc.
Procédure : une fois le cyanotype bien rincé, on le plonge dans une bac d’eau auquel on a ajouté un bouchon de peroxyde d’hydrogène, cela va accentuer le contraste et changer le cyan en bleu de Prusse. Si on ne faisait pas ça le tirage viré serait trop pâle.
Puis on le rince encore plusieurs minutes.
On plonge alors le tirage dans une infusion de thé noir : on aura au préalable fait bouillir de l’eau puis laissé infuser beaucoup de thé noir. Une fois refroidi, les tannins contenu dans cette infusion (acide tannique) vont supprimer la dominante bleue et laisser place aux gris.
Attention de ne pas laisser trop longtemps sinon les blancs sont également virés et ne sont plus purs.
Et voilà le résultat! Le rendu est particulier, avec du grain qui n’est pas sans rappeler le bromoil. Il y a une richesse de rendu dans les ombres (à condition de prendre un papier très lisse genre bristol). Je préfère le cyanotype viré au thé plutôt qu’un exemplaire cyan, car le virage donne un aspect plus argentique et photographique à l’image.
On peut également faire un virage en ayant au préalable « blanchi » l’image. Le blanchiment consiste à plonger le cyanotype dans un bac rempli d’eau avec une pincée de carbonate de sodium (pas de bicarbonate!). L’image va disparaitre presque totalement. Rincer abondamment, puis plonger le tirage dans le virage au thé noir. L’image a besoin de plusieurs dizaines de minutes pour réapparaitre.
C’est une autre technique, mais je l’affectionne moins car elle donne des tons sépias et trop doux, le contraste est moins flagrant. |
Le cyanotype est inaltérable car il utilise du fer contrairement aux tirages à base de sels d’argent.
Disclaimer : mes prises de vues, mes conseils et mes expérimentations n’engagent que moi. Ces articles me sont d’abord à titre personnel, d’une grande utilité. Je suis assez scrupuleux sur mes écrits. Je vérifie et cite quand il se doit mes sources…malgré tout il peut subsister quelques erreurs notamment sur la science de l’optique et de la couleur, car rien n’est gravé dans le marbre sauf la physique! Pour conclure, je partage juste mon expérience personnelle, mes impressions et mes expérimentations. Si elles peuvent servir aux lecteurs, j’en serai heureux! J’espère en faire profiter un plus grand nombre en les partageant. |
Pour la petite histoire de la petite histoire, John Herschel était le fils de William Herschel, astronome également et découvreur d’Uranus en 1781.
C’est vraiment magnifique comme rendu des photos , bravo et merci pour cet article détaillé !
Merci! J’attends impatiemment de faire ton portrait au collodion, puis exposé en cyanotype!