| Qu’au lot d’ions d’argent se substitue l’image! |
Je voulais depuis un moment comparer la différence entre un collodion fraichement préparé (2 jours) avec un plus âgé (15 jours) pour vérifier ce que l’on constate souvent à savoir qu’un collodion plus mûr donne un contraste plus élevé, une meilleure richesse de tons mais également qu’il perd en sensibilité.
Rectificatif : le collodion ne devient pas plus contrasté avec l’âge mais seulement moins sensible. Le mythe selon lequel le contraste augmente avec l’âge est dû au fait que la plaque étant moins sensible, on la développe en laissant agir le révélateur plus longtemps pour que l’image apparaisse, d’où la confusion. Un temps de développement trop long influe sur le contraste, CQFD! Merci à Mark Osterman et Borut Peterlin!
Source : https://borutpeterlin.wordpress.com/2016/08/23/contrast-control-in-wet-plate-colodion-process/
Formule utilisée : Collodion « Poe Boy » (sans cadmium ni éther supplémentaire pour les 2) :
- 100ml de Collodion concentré à 4%
- 100ml d’Ethanol à 95°
- 1gr d’Iodure de potassium
- 0,4gr de Bromure de Potassium
Pour le « vieux » de 15 jours, j’ai rajouté un reste de collodion encore plus âgé de plusieurs semaines, d’où cette couleur rouge (ce rouge n’apparaît pas au bout de 15 jours mais au bout de plusieurs semaines ou même des mois!) et pour le « jeune » j’ai juste doublé la dose de Potassium Iodide (2gr) ce qui permet de rajouter un peu de contraste (contrairement au Bromide qui donne plus de demi-tons) et qui permet surtout d’augmenter la rapidité du collodion.
En ce qui concerne le développeur, c’est celui que je prépare et utilise sans changer la formule :
« Jody Ake’s Vinegar Dev »
- 0,5L vinaigre blanc cristal
- 4g sulfate de fer
- 6g sucre
- 7ml alcool dénaturé 95%
Voici la configuration du studio :
La chambre est équipée du Rodagon 300mm f/5.6. J’ai reculé la boite à lumière pour adoucir l’éclairage afin qu’il soit moins « dur » vu que le singe est très foncé!
La cellule me donne 4 secondes à f/5.6. Et oui que voulez-vous, jen’ai pas encore les moyens de m’équiper en ampoules de 1000w ou de flash 6000w donc je me contente de mon pauvre éclairage à ampoules éco de 35w et de tubes fluo pour la boite à lumière. Le tirage du soufflet étant important je décide de rajouter 2 valeurs de diaphragme, ce qui me donne : 16 secondes à f/5.6.
- Pour la première plaque sur aluminium noir avec le collodion « âgé » je décide d’appliquer également une correction de 2 valeurs de diaphragme supplémentaires à cause de la perte de sensibilité et parce que mes plaques sont souvent sous-exposées ce qui me donne : 60 secondes à f/5.6.
- Pour la seconde plaque avec le collodion « frais » je réduis le temps de moitié donc : 30 secondes à f/5.6
Les plaques sont développées dans un local où la T° est de 26°C, avec le développeur cité plus haut (modifié avec le double de Potassium Iodide). Mon développeur contenant un peu plus de sucre que la formule originale (pour ralentir son action), le temps de développement est de 30 secondes pour les 2 plaques, puis rinçage à l’eau déminéralisée, puis fixage.
Résultats
L’ensemble est très contrasté (surtout la plaque au collodion âgé). Cela ne m’étonne pas car au développement, l’image est apparue très vite (Potassium Iodide) pour les 2 plaques et du coup les gris et les lumières n’ont pas eu le temps de « monter ». Il ne faut pas non plus oublier que le collodion n’est pas sensible à la majorité des couleurs du spectre visible mais plutôt à la zone des bleus, violets, indigo, UV d’où l’aspect très sombre de la photo (les rouges et les marrons sortent sombres). La plaque au collodion âgé est bien exposée, les gris et les blancs sont là, et surtout on a des détails dans les ombres, beaucoup plus que sur le collodion frais! Mais son contraste est très prononcé, et ce test confirme la légende : un vieux collodion est plus contrasté qu’un neuf. Même si dans l’ensemble les 2 plaques se ressemblent, regardez bien : celle du collodion âgé est bien plus contrastée (dans les détails des tresses de la table , il y a plus de noirs et de hautes lumières).
La gamme de gris sur le collodion âgé est également plus large tandis que sur l’autre les noirs sont bouchés. On remarque qu’elle est bien exposée malgré tout, mais je suppose que si j’avais mis 60 secondes, elle aurait été certainement mieux exposée.
Une chose m’a sauté aux yeux si on regarde les images à 200% : c’est la grande finesse de détails que l’on a avec le collodion âgé : les détails sont plus fins, le micro-contraste (l’acutance) est plus grand.
Sur le collodion frais, chose bizarre, on a des effets de halos et de diffusion de lumière (regardez en haut du casque du casse-noisettes et sur le bord de ses cheveux) mais que l’on n’a pas sur le collodion âgé!
A contrario, sur le collodion âgé, il y a un « effet Sabatier » sur les contours des objets. On aime ou on aime pas mais c’est très flagrant! Cet effet renforce l’acutance des contours et procure un effet de bord bien visible. Je finirai en disant que le collodion jeune est beaucoup plus sirupeux qu’un vieux et qu’il se coule plus facilement.
Conclusion : laissez mûrir votre collodion il n’en sera que meilleur! Je préfère le collodion qui a pris de l’âge même si sa sensibilité est réduite. Le niveau de détails est plus grand, les gris sont plus subtils, il y a des détails dans les ombres mais « l’effet Sabatier » est trop important. Le collodion frais méritera un nouveau test dans des temps de pose et un développement un peu plus longs.
Cette avalanche de micro-détails sur le collodion âgé que l’on a pas sur l’autre collodion m’étonne et m’interpelle : est-il possible que cela soit possible? Ma configuration n’a pas bougé d’un poil entre les prises de vues, le chargement du chassis a été le même, je mets donc cette différence de netteté sur la chimie elle-même, et, dans un souci de justesse dans mes tests, je donne rendez-vous pour un futur test des 2 collodions, et dans les mêmes conditions pour confirmer ou infirmer cette conclusion!
Maintenant à vous de voir le pour et le contre, les avantages de l’un ou de l’autre, si vous aimez le contraste ou les demi-tons, si vous aimez cet la solarisation, ou au contraire si vous n’aimez pas cet effet de halo sur les hautes lumières!
Je fais principalement ces tests/comparatifs pour mon expérience personnelle. Cela me permet d’avoir des références et d’améliorer mon savoir-faire dans cette technique. En partageant cette expérience j’espère que ces articles vous apportent et vous enrichissent autant qu’ils le font pour moi !
| Disclaimer : mes prises de vues, mes conseils et mes expérimentations n’engagent que moi. Ces articles me sont d’abord à titre personnel, d’une grande utilité. Je suis assez scrupuleux sur mes écrits. Je vérifie et cite quand il se doit mes sources…malgré tout il peut subsister quelques erreurs notamment sur la science de l’optique et de la couleur, car rien n’est gravé dans le marbre sauf la physique! Pour conclure, je partage juste mon expérience personnelle, mes impressions et mes expérimentations. Si elles peuvent servir aux lecteurs, j’en serai heureux! J’espère en faire profiter un plus grand nombre en les partageant. |
Intéressant, les vieux sont les meilleurs !
haha! toujours oui!