Un avis complet sur le collodion |
Après quelques mois à me documenter, découvrir et expérimenter la technique du collodion humide, je pense qu’il était temps, déjà, de livrer mon expérience, fut-elle courte, mais tellement riche en apprentissage! C’est pourquoi j’ai voulu partager dans cet article un condensé de ce que j’ai appris, les erreurs que je ne commettrai plus, les sources d’approvisionnement et mes formules chimiques ainsi qu’un comparatif pour celui ou celle qui voudrait commencer, et qui m’est également très utile.
Configuration du studio
Pour commencer, j’ai configuré mon studio pour avoir le plus de lumière possible et en mode configuration portrait : une boite à lumière 6500°K en éclairage principal, un spot 6500°K 35w pour éclairer le fond blanc, un autre pour dessiner les contours arrière du sujet et une softbox de 35w 6500°K qui fait office de réflecteur pour déboucher les ombres. Ma cellule Lunasix me donnait grosso modo : 2 secondes à f/5,6 en lumière incidente pour 1 iso. J’ai du tirage de soufflet dû à la proximité de la chambre et du sujet alors j’applique la méthode du Quickdisc (voir ci-dessous pour l’explication) pour vérifier le coefficient de correction que je devrai appliquer à mon exposition : au vu de la mesure, il est d’environ 1 diaph. En conséquence l’exposition correcte sera de 4 secondes.
Le QuickDisc est une invention géniale créée par Philipp Salzgeber et téléchargeable sur son site et qui permet en un geste simple de connaître le coefficient de correction à appliquer en fonction du tirage du soufflet. Mais ici point de calculs mathématiques compliqués (la formule exacte est X=(G+1)2 ou X=v2/f2 ou X=(u/(u-f))2)…Site de Michael Tirat pour l’explication.
Vous placez le disque à côté du sujet, puis vous mesurez avec la réglette le diamètre du disque sur le dépoli : vous aurez soit le coefficient de correction, ou bien la valeur f/stop à ajouter ou soustraire, magique!
PS : regardez la qualité du dépoli de ma chambre (moins fin qu’un dépoli dégrossi au carbure de silicium quand même…) créé avec ce spray de « Verre givré » acheté Leroy-Merlin, pas mal non?
Réalisation des tests
J’ai utilisé ma formule collodion DIY « Poe boy » que j’ai donc réalisée chez moi avec du collodion officinal, du potassium bromide et iodide, ainsi que mon développeur DIY basé sur une formule au vinaigre blanc, au sucre et au sulfate de fer. Les conditions de création de ces formules sont simples et évidentes et ont été réalisées dans un local dont la T° est de 26°.
Outre les gants noirs (marque MAPA « extra protection » au Nitrile (sans Latex naturel), idéal pour que le plaque accroche bien le bout des doigts lors du coulage), les lunettes de protection et un ventilateur pour aérer la pièce, j’utilise des Erlenmeyer, Bechets et éprouvette en verre. Je rince, nettoie et prépare mes formules chimiques uniquement avec de l’eau déminéralisée (pas d’eau du robinet).
Après le nettoyage de la plaque d’un coup de gaz dépoussiérant suivi d’un léger coup de pinceau en soie (le gaz dépoussiérant génère de l’électricité statique), le coulage du collodion se fait dans les règles de l’art : en commençant par verser une belle quantité (il en vaut mieux plus que pas assez) sur le centre, puis, d’un léger mouvement de main, atteindre les 3 coins opposés au coin de vidage, coin par lequel coulera le reste du liquide vers la bouteille. Après 45 sec environ de séchage, la plaque est plongée (lumière rouge) délicatement et d’un geste sûr (très important) dans la cuve de sensibilisation (cuve remplie d’un bain de nitrate d’argent au Ph correct (4-5) et auparavant ayant subi une séance de « sunning » pour éliminer les impuretés). Puis la séance de photo commence. Petit rappel : le temps imparti pour prendre la photo est de 5mn, en effet, après ce laps de temps le collodion aura durci et séché et ne pourra plus être développé (d’où le nom d’humide !!). Pour le développement, je vous renvoie un peu plus bas, au paragraphe développement.
Pour la plaque test à 4 bandes, chaque bande a une exposition de 2 secondes. en conséquence la plus sombre est exposée à 2sec et la plus claire à 8 secondes (remarquez qu’entre 6 et 8 il n’y a presque plus de différence, preuve que le collodion encaisse mieux les surexpositions que les sous-expositions). J’ai utilisé la plaque Tintype « Trophy aluminium » brillante pour ce test afin de voir la meilleure exposition possible pour faire les 3 plaques suivantes. On peut remarquer sans aucun doute que l’exposition idéale est la 3e bande en partant du bas, donc 6 secondes. Malgré tout, mes plaques à 6 secondes sont quand même un peu sous-exposées…mes secondes « à moi » sont peut-être plus courtes que le minuteur, va savoir…Ensuite j’ai réalisé les prises de vues, sur les3 autres types de plaques. Exposition de 6 secondes pour tout le monde, même éclairage.
- Les plaques de verre proviennent de sous-verres achetés 1 euro en grande surface, bien nettoyé (liquide vaisselle, rinçage, séchage, alcool à 95°, séchage), ces verres sont bon marché et de qualité : 2mm d’épaisseur, les bords sont biseautés.
- Les plaques aluminium noir brillant proviennent du site WetPlatesSupplies. Il n’ y a pas de doute, c’est le plus beau support à mon goût pour le collodion. C’est un alu « Trophy Aluminium » très glossy et d’une épaisseur de 0,5mm. très belle qualité. de plus le collodion adhère bien et grâce à la tension de surface, il ne coule pas sur les bords.
- Les plaques aluminium noir mat proviennent du site Mamut photo. Elles sont de moins bonne qualité je trouve car même si le mat est joli à regarder, la surface est rugueuse et l’on voit la texture de l’aluminium. Je suis assez déçu comparé à celles de Wetplatesupplies.
- Les plaques PMMA (poly methyl methacrylate) ont été commandées sur le site Labodutroisième, en France donc reçues assez rapidement. Le matériau est bien brillant, la plaque est rigide quoique souple et épaisse mais les bords coupés sont un peu érodés. D’autre part, il doit être difficile de vernir ces plaques au vernis Sandarac et à la lampe à alcool, car le PMMA chauffé se tord (j’ai essayé). Ces plaques sont aussi plus chères (22 euros FDPI pour 10 ex) mais elles sont un excellent compromis à l’alu de type « Trophy aluminium » introuvable en France. D’ailleurs le seul site en « Europe » qui les commercialise (WetPlateSupplies) ne vend qu’en Angleterre..dommage.
Analyse des résultats
(Cliquez sur l’image pour l’afficher plein format)
Voici les bruts de scan des 4 plaques avec leurs histogrammes respectifs. Les scan ont été réalisés avec un Epson 4990 en mode avancé en 600dpi 256 niveaux de gris. Les niveaux d’entrée ont été réglés une seule fois pour les 4 plaques. Dans l’ensemble, au vu des résultats on peut dire qu’il n’y a pas de grosses différences entre les 4 supports et que les histogrammes sont assez bons : on a bien du contraste, des demi-tons, mais pas beaucoup de hautes lumières, c’est normal car une plaque a besoin d’une lumière incidente pour profiter de son contraste (écart entre les fortes et basses lumières) et ses nuances (gamme de demi-tons). Un scan à plat enlève ce côté « relief » et luminosité à l’image. Malgré tout l’histogramme est bien dessiné sur les 4 plaques et représentatif d’une bonne exposition. Les hautes lumières peuvent se rattraper en boostant le contraste et en décalant le curseur des demi-tons vers la droite.
Je remarque que sur l’ambrotype il y a moins de détails dans les ombres, mais ceci doit être dû au scan en mode « Opaque » et non en mode « Transparent », ce qui aurait peut être fait monter beaucoup plus de détails. Par contre c’est lui qui remporte la palme du plus bel histogramme : richesse des nuances (malgré l’aspect sombre de la photo, regardez le pic à gauche). Le tintype mat et le PMMA ont un histogramme presque identique, le pic de noir à gauche est dû aux zones sombres des plaques, mais dans l’ensemble les niveaux sont bons.
Au niveau netteté, no comment : ça pique! Ce Rodagon 300mm f/5,6 à pleine ouverture a la patate et permet de garder une profondeur de champ raisonnable pour les portraits.
C’est bien meilleur qu’en mode opaque! Que de détails, quel contraste! Et les niveaux sont bien meilleurs.
Les erreurs à corriger, les améliorations à apporter
Développement :
Avec pas mal de pratique (plusieurs dizaines de plaques réalisées) et de documentation (énormément de veille), j’ai pu déceler l’origine des défauts de la plaque (et m’appliquerai à les corriger) :
1 – Mon geste est devenu précis (mais j’ai encore des défauts que j’essaie de résoudre) : d’un mouvement bref et régulier je commence à verser le liquide dans un coin de la plaque tout en faisant un geste vers l’avant (flèche) pour étendre l’écoulement (l’action ne dure pas plus d’1 seconde), puis je remue la plaque horizontalement avec les mains pendant 20 secondes pour éviter la formation de vaguelettes. Juste après je verse un premier jet d’eau déminéralisée, j’égoutte et j’en reverse un second, puis je fixe. J’ai changé ma méthode : au lieu de plonger la plaque dans une cuve déjà remplie de fixateur, je verse le fixateur sur la plaque uniformément. D’autre part, j’ai ajouté à ces améliorations de procédure, le fait de filtrer le fixateur et ne pas le laisser dans la cuve pour les fixages suivants
2 – Voici un défaut typiquement reconnaissable : le collodion a été mal coulé au départ et cet endroit n’a pas été recouvert.
3 – Voici des trainées dues je pense à l’immersion de la plaque dans le bain de nitrate d’argent. Il ne faut aucun temps d’hésitation, et je pense que cette ligne est le signe d’une hésitation. De plus, il ne faut être ni trop rapide ni trop lent. Je plonge également la plaque sous lumière rouge car la sensibilisation commence dès l’immersion.
4 – Trainées noires sur les 4 supports : le développeur est trop rapide. La formule que j’ai utilisée contient pourtant du sucre censé ralentir l’action du développeur. Ce n’est donc pas assez : je vais doubler la dose de sucre et mettre moins de sulfate de fer pour ma prochaine préparation sinon l’action du développeur est trop rapide (dans les premières secondes) et génère des zones là ou l’écoulement s’est moins bien réalisé.
Disclaimer : mes prises de vues, mes conseils et mes expérimentations n’engagent que moi. Ces articles me sont d’abord à titre personnel, d’une grande utilité. Je suis assez scrupuleux sur mes écrits. Je vérifie et cite quand il se doit mes sources…malgré tout il peut subsister quelques erreurs notamment sur la science de l’optique et de la couleur, car rien n’est gravé dans le marbre sauf la physique! Pour conclure, je partage juste mon expérience personnelle, mes impressions et mes expérimentations. Si elles peuvent servir aux lecteurs, j’en serai heureux! J’espère en faire profiter un plus grand nombre en les partageant. |
Merci beaucoup pour cette article très bien fait.
Avec plaisir