Le collodion : reconnexion avec les matières et les sens, perdus avec le numérique |
Depuis le temps que je l’imaginais…je l’ai enfin réalisée : la fabrication de ma première chambre photographique grand format!
Je parlais dans un article précédent de l’acquisition d’un objectif d’épiscope A4, un énorme tromblon de 2.5kg, provenant d’un ancien projecteur de documents opaques pour l’éducation, d’une ouverture relative de f/3.6 et d’une longueur focale de 457mm (18″) (excellent article sur cet objectif). Vous allez voir, en fait c’est une véritable surprise!
Cela faisait au moins 1 année qu’il trainait dans mes armoires, en espérant qu’un jour je pourrai l’utiliser, pensez donc : un 457mm sur une chambre 13×18 équivaut à une focale de 90mm d’ouverture f/0.7 en 24x36mm!!! C’est vraiment la focale idéale pour le portrait. De plus, son ouverture relative gargantuesque (f/3.6) permet d’avoir le focus sur les yeux et le reste baignant dans un flou crémeux .
Pour calculer cette équivalence grand format/24×36 (ainsi que l’accès à beaucoup d’outils pour la photographie) je vous donne l’adresse de ce site très utile :
Depth of Field (DoF), Angle of View, and Equivalent Lens Calculator
Quelques photographes renommés dans le monde du collodion humide utilisent des chambres très grand format (ULF) équipés d’un objectif triplet de Cooke d’épiscope, tel ce photographe utilisant l’Epis 400mm de Leitz.
Le mien, un « Besco Florham Park » pour Episcope Beseler Vu-Lyte III 18″ est traité multicouches et semblait déjà prometteur sur le dépoli! J’ai donc décidé il y a une semaine de m’y coller et de fabriquer une « camera oscura », (une chambre noire) toute simple avec quelques planches de bois, de la colle à bois, et beaucoup d’enthousiasme!
Pour ce faire il m’a fallu des planches de pin de qualité supérieure d’environ 2cm d’épaisseur en majorité, j’ai donc recyclé un vieux lit en pin inutilisé et acheté quelques planches également de MDF, une bombe de peinture noire, du vernis acajou, de la colle à bois. Les dimensions sont confortables…Et oui il en faut de l’espace pour accueillir cet énorme objectif!!
Tout ceci ne m’a coûté qu’une trentaine d’euros, et la même somme pour l’objectif (on peut en trouver facilement sur les sites de petites annonces, il y a même des dons d’épiscopes ou d’épidiascopes).
Pour le dépoli, j’ai acheté du vernis » Givre » en bombe. On obtient rapidement un dépoli mais j’ai vite déchanté : le grain est vraiment trop gros et avec ce type d’objectif, la moindre erreur de mise au point est fatale, j’ai donc abandonné ce dépoli givré au profit d’un vrai dépoli, façonné au carbure de silicium avec un grain super fin.
Je n’ai pas eu de grosse difficulté à monter l’ensemble : pour éviter de fabriquer un soufflet difficile à réaliser, j’ai préféré fabriquer deux caissons : le premier à l’avant et fixe, le second mobile à l’arrière, la mobilité étant assurée par une translation du caisson d’avant en arrière, simulant l’action de la crémaillère. Le tirage est compris entre 457mm (focale de l’objectif à l’infini) et environ 800mm à fond de tirage, qui permet d’avoir un gros plan d’un visage. Évidemment à fond de tirage, une compensation d’environ 2 diaph est requise.
Les prises de vues effectuées en extérieur. L’ouverture de f/3.6 est surprenante en effet, j’avais l’habitude de faire poser entre 5 et 10 secondes avec un objectif de f/5.6 ou plus, et ici, je n’ai qu’à obturer à la seconde ou moins pour avoir de bons résultats. C’est l’idéal pour éviter les flous de bougé! J’aimerais que vous examiniez les caractéristiques de ce triplet Cooke car elles méritent d’être mentionnées : le bokeh d’abord. On peut remarquer qu’il y a un effet de « bubbles bokeh » très très plaisant et dont je ne soupçonnais pas le rendu! Pour chaque particule ou point de lumière « out of focus », l’objectif les convertit en bulles, c’est magnifique et c’est une caractéristiques des triplets. D’autre part on remarquera que la netteté est bien là et qu’on à affaire à une optique de qualité. Même si un léger halo entoure les contours des sujets, le piqué est bel et bien existant. Cet objectif a réellement une « patte », une « signature » que je suis loin de détester, au contraire!
En ce qui concerne ces 2 ambrotypes, je m’étais fourni en verre 13×18 dans les grandes surfaces en achetant des sous-verres à clip à moins d’1 euro. Bien mal m’en a pris : les verres sont traités, et même après un nettoyage à l’alcool, il subsiste un film invisible qui empêche le collodion d’y adhérer. Résultat : au lavage, le collodion se fait la malle car il glisse, de plus, j’ai des zones et des zébrures de coulage que je n’avais jamais eues.
EDIT : j’ai compris pourquoi j’ai ces coulures : j’ai découvert qu’il fallait laver le verre au liquide vaisselle et essuie-tout, de rincer, sécher puis seulement après, nettoyer à l’alcool à 95°.
J’ai commandé un paquet de plaques aluminium noir, c’est ce qui me convient le mieux : le collodion y adhère très bien, il ne coule pas sur les bords, et le coût est très faible (0.82 cts sur Mamut Photo).
PS : j’ai essayé de m’approcher au mieux du rendu original en ajoutant une teinte sépia/orange, teinte naturelle sur les ambrotypes fixés à l’hyposulfilte.
Disclaimer : mes prises de vues, mes conseils et mes expérimentations n’engagent que moi. Ces articles me sont d’abord à titre personnel, d’une grande utilité. Je suis assez scrupuleux sur mes écrits. Je vérifie et cite quand il se doit mes sources…malgré tout il peut subsister quelques erreurs notamment sur la science de l’optique et de la couleur, car rien n’est gravé dans le marbre sauf la physique! Pour conclure, je partage juste mon expérience personnelle, mes impressions et mes expérimentations. Si elles peuvent servir aux lecteurs, j’en serai heureux! J’espère en faire profiter un plus grand nombre en les partageant. |
moi aussi je serai intéressé par les côtes de l’appareil (ça me semble plus réalisable qu’un soufflet !!)
Bonjour, malheureusement comme je l’ai déjà indiqué, je n’ai pas les côtes, tout simplement parce que j’ai réalisé cette chambre « à l’arrache », sans plan, au feeling….A la débrouille quoi! Il est assez simple de réaliser le bloc coulissant arrière une fois que le bloc avant est fait, ne pas oublier de peindre en noir mat l’intérieur. Franchement j’y suis allé à l’instinct en fonction du tirage de mes optiques d’épiscope. C’est à la portée de tout un chacun, alors bon bricolage!
Chapeau l’artiste !
Il est possible d’avoir les côtes de toutes les planches pour pouvoir s’essayer à cela ?
En tous cas ton blog me passionne.
Merci beaucoup! Je vais mesurer toutes les côtes ce weekend, pas de souci!
Bravo super projet ! On voit souvent un bokeh ou flou plutôt en cercle, tournant ou tourbillonnant sur les photos à « l’ancienne », c’est la chambre ou le procédé type collodion par exemple ou bien l’objectif qui donne ce el effet tourbillonnant très artistique ?
Bonjour, l’effet tourbillonnant (swirly bokeh) est la signature des objectifs de type « Petzval ». Cette construction optique a été inventée à l’époque où les objectifs de chambre étaient bons, corrigés optiquement, mais peu lumineux ce qui entrainait des temps de pose inimaginables. Mr Petzval a tout simplement inventé les objectifs les plus lumineux de l’époque. Ils étaient nets au centre à pleine ouverture MAIS au détriment de beaucoup d’aberrations optiques périphériques et entre autres cet effet tourbillonnant. Donc cet effet est dû uniquement au type d’objectif et non au procédé.
http://www.hocus-focus.fr/glossary/petzval/
Bonjour,
Sympa ce compte-rendu !
J’aimerai bien m’orienter vers ce procédé et fabriquer une chambre car il devient difficile de trouver une chambre d’occasion !
Pourriez-vous me transmettre vos plans et cotes ?
Salutations